Discussion générale , Assemblée nationale, 18 juin 2020 en réponse au groupe Communiste proposant la création d'un revenu étudiant
Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, mes chers collègues,
Nous sommes tous ici préoccupés de l’avenir de notre jeunesse, et c’est là, la première vertu de votre proposition chère collègue : nous donner à tous, l’occasion de le rappeler avec force. Muriel Pénicaud, Bruno Le Maire et Gabriel Attal, vous le savez, travaillent actuellement, à un plan global pour les jeunes qui sera présenté avant l’été. Votre proposition de résolution vient donc utilement enrichir le débat que nous devons aux jeunes de notre pays et notamment, aux étudiants dont la précarité économique mais aussi professionnelle pour ne pas dire existentielle se voit malheureusement renforcée par la crise du COVID.
Il nous faut agir, c’est une évidence.
Il nous faut aussi faire preuve d’audace, d’une audace historique. Le genre d’audace que l’on prête généralement à la jeunesse, dont nous ne sommes plus malheureusement ! Mais qu’importe ! Cocteau ne disait-il pas que « L'audace se forme en marge des audacieux et que l’on trouve audacieux un homme qui prolonge une vieille audace ». Car c’est en effet une vieille audace, que vous prolongez aujourd’hui avec la proposition de création de ce revenu étudiant. Une audace portée en 1947 par le député Henri Wallon, comme vous le rappelez justement et avec une certaine nostalgie dans votre texte.
Laissez-moi d’abord vous dire, chère collègue, que je partage avec vous deux convictions :
Comme vous, je suis convaincue que c’est maintenant qu’il nous faut agir. Face à l’enjeu historique de reconstruction nationale qui est le nôtre aujourd’hui, et comme en 1945, il nous faut faire preuve d’une audace historique en matière de solidarité nationale et de lutte contre la pauvreté, notamment pour notre jeunesse et notre jeunesse étudiante.
Comme vous, je suis aussi convaincue qu’il nous faut repenser la façon dont notre société permet à chacun d’être un citoyen actif, reconnu à sa juste valeur dans sa contribution au vivre-ensemble. Les étudiants étudient, se forment, travaillent, s’engagent bénévolement, militent parfois : une vie étudiante quand elle est rendue possible par un minimum de moyens matériels, est une vie pleine, riche d’activités multiples qui toutes sont créatrices de valeur économique, humaine, écologique et citoyenne. Les étudiants mettent ainsi beaucoup au pot du vivre ensemble mais sont-ils équitablement reconnus en retour ? Comme vous, je ne le crois pas et cela nous questionne, au-delà des étudiants, sur la prise en compte de l’engagement actif de chacun dans la société.
Pour autant l’instauration d’un « Revenu Etudiant » est-elle la solution ? je ne le crois pas non plus.
Pour justifier ce NON, je ne vais pas, en « bonne élève de la Majorité » mobiliser l’argument budgétaire et vous dire que rétablir l’ISF ou augmenter les contributions patronales, n’a rien d’une solution suffisante ou satisfaisante. Car il s’agit après tout d’une PPR et non d’une PPL que nous examinons. Je vais plutôt privilégier l’audace que j’évoquais en introduction et laisser répondre l’ancien enfant turbulent en moi, si vous me permettez de paraphraser le célèbre ouvrage d’Henri Wallon qui n’était pas qu’un grand communiste mais aussi un grand chercheur et le père fondateur de la psychologie des plus jeunes.
Je ne crois pas au revenu étudiant voyez-vous : à la trompeuse facilité des catégories de personnes, je préfère la complexité des individus. Je vous le dis, je me méfie des politiques publiques qui servent des catégories de Français ou pire des clientèles politiques. Aujourd’hui, notre pays a besoin d’unité, il a besoin que nous parlions à tous les français : nous devons faire vibrer en eux leur destin commun en même temps que leur rendre la maitrise de leurs destins individuels. Et cela devrait se faire au-delà de toutes communautés d’appartenance y compris celle de l’âge. La nouvelle solidarité que nous devons bâtir au sortir de la crise doit être universelle et nationale, j’en suis convaincue.
Je ne crois pas au revenu étudiant, parce que je ne crois pas non plus que seule la jeunesse a besoin d’un revenu d’émancipation. L’émancipation est l’affaire d’une vie et peut commencer à 70 ans parfois. Notre responsabilité est de donner à chaque Français, quel que soit son âge, la liberté de faire son chemin dans notre société, d’être protégé en cas de choc et de rebondir toujours, pour inlassablement entreprendre sa vie et devenir qui il est. Pour ma part, je suis plus audacieuse : Je ne veux pas donner quelques années d’espérance à des étudiants, je veux donner un horizon de destin durable à tous les hommes et femmes de notre pays.
Je ne crois pas au revenu étudiant, chère collègue, vous l’avez compris, parce que je crois au revenu universel, tout simplement. Voilà pourquoi, je vous donne aujourd’hui avec une certaine audace, un NON, en vous demandant de me donner demain un OUI quand nous proposerons avec le groupe AGIR Ensemble, un socle citoyen, une version inédite du Revenu Universel, un revenu de liberté et de solidarité pour tous les Français.
Je vous remercie.
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