Valerie Petit
Un mariage d’amour, Baden-Baden, 1947
Dernière mise à jour : 6 juil. 2022

Le 5 janvier 1947, à Ottenhöffen, à quelques kilomètres de Baden-Baden, nait la petite Marie-France, fille de Bernard, militaire Français et Klara, Allemande, employée dans une pension de famille. Peu de gens s’en réjouissent, c’est pourtant l’une des plus belles histoires d’amour que je connaisse, celle de ma mère et celle de l’Europe des cœurs. Nous sommes à la veille de la guerre, mon grand-père, Bernard, pour échapper à sa famille, s’engage à 16 ans dans la marine Française. Quelques semaines seulement avant le sabordage de la flotte à Toulon. 4 années sombres s’en suivent puis il rejoint les forces françaises et participe au débarquement de l’Ile d’Oléron, le dernier, avant de traverser la France pour rejoindre les forces d’occupation Françaises à Baden-Baden. C’est là, en 1945, qu’il tombe amoureux de Klara, une Allemande, et que nait ma mère, Marie-France, dans le petit village d’Ottenhöffen où la liaison de ses parents puis sa naissance font scandale. Victime du sentiment anti-Français en Allemagne, ils affrontent le sentiment antiallemand, quand la famille rentre en France, à Paris, où mon grand-père devient Gardien de la Paix et ma grand-mère concierge. La famille cohabite dans une seule pièce, sans salle de bain, tandis que la capitale vit encore à l’heure des tickets de rationnement. Pour ma mère et ma grand-mère qui ne parlent que quelques mots de Français le quotidien n’est pas toujours heureux dans une ville ou le souvenir de l’occupation et des « Boches » est encore douloureux. Pourtant, mon grand-père, restera toute sa vie un gaulliste fervent et un amoureux de l’Allemagne, tandis que génération après génération, se multiplieront dans ma famille les mariages Franco-Allemands. De scandaleux, ils deviennent joyeux, presqu’une tradition.
L’histoire d’amour de mes grands-parents et celles qui suivirent sont pour moi autant de célébrations intimes de la réconciliation Franco-allemande, qui ne fut pas qu’une entreprise politique, mais aussi, dans chaque famille, un raccommodage difficile de liens sectionnés et de cœurs abimés par des années de drames et de haines. C’est ainsi que s’est forgé mon amour de l’Europe, dans cet attachement au couple Franco-allemand, mais aussi dans cette conviction que l’Europe n’est pas qu’une idée ou un projet politique mais une histoire d’amour et un destin commun qu’il faut éprouver dans son cœur et savoir raconter avec émotion pour y puiser, dans l’adversité, dans la force des liens.
Dès lors et sans surprise, mon premier engagement politique est en faveur de l’Europe, en 1999, à l’occasion des élections européennes. En 1995, mon premier bulletin vote, aux présidentielles, fut pour Chirac, mais en 1999, pour la première fois, j’adhère à un parti … Les Verts. Je ne le fais pas par idéologie, libérale de centre-droit, issue d’une famille gaulliste, ce choix en étonnera plus d’un. Il est pourtant fidèle à mes convictions. Car il s’agit en réalité de soutenir un homme, ou plutôt un symbole, Daniel Cohn-Bendit. Bien sûr, il défend des combats qui me sont chers : la liberté d’expression, l’écologie, l’Europe, mais en réalité, c’est son histoire Franco-allemande et le désir d’Europe qu’il sait si bien inspirer qui me séduisent, en écho à cette histoire d’amour familiale et Européenne qui m’a tant marquée. Et tandis que la France vient de fêter les 30 ans de mai 68, l’électron libre Franco-allemand est le candidat qui incarne le mieux à mes yeux l’Europe verte, libre et désirable. Ces quelques mois passés auprès de lui et de son équipe de campagne sont parmi mes meilleurs souvenirs politiques. Aujourd’hui encore, je l’écoute encore avec le même enthousiasme. Quelques années plus tard, je quitterai les Verts devenus beaucoup trop rouges et plus assez libéraux pour moi. Mais ce désir d’Europe, lui, reste intact
