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Photo du rédacteurValerie Petit

Pour une politique du paradoxe : repenser le Libérer et Protéger Macroniste

Dernière mise à jour : 5 juil. 2022

Tribune libre


Libérer et protéger, tel était et tel demeure le leitmotiv du projet porté par notre Majorité Présidentielle : libérer les énergies du pays en simplifiant la vie des entreprises, en investissant dans la formation des actifs et en baissant les impôts ; Et en même temps, protéger les Français les plus fragiles en augmentant les minima sociaux, en étendant la protection sociale des indépendants, en améliorant la prise en charge des soins, ou encore en investissant dans la sécurité du quotidien.


Aujourd’hui, tandis que la crise exacerbe le besoin de protection des Français et que le mot de souveraineté est sur toutes les lèvres, le temps serait venu de miser sur le « protéger » après une première partie du quinquennat centré, avec succès au regard des chiffres de la croissance et du chômage de 2019, sur le « libérer ». Le libérer et protéger se muerait ainsi, à la faveur de la crise, en libérer, puis protéger. Les débats récents sur l’application STOP COVID ont par ailleurs cristallisé les limites de la philosophie du en même temps : sommés de choisir entre défense des libertés et protection de la santé des Français, certains ont argué que l’urgence était la protection des Français. Face à l’impossibilité du en même temps, il fallait ainsi faire le choix du un temps pour chaque chose et chacun son tour. De la politique en pointillés ou à cloche pied.


Une telle lecture du projet Macroniste serait je le crois non seulement erronée mais également dangereuse pour la cohésion de notre communauté nationale et la vitalité de notre démocratie libérale. Voilà pourquoi il est urgent que nous repensions le ET de libérer et protéger. Deux lettres qui contiennent à elles-seules l’essence de notre méthode politique.


L’intuition du « en même temps » j’en suis convaincue reste la bonne, mais force est de constater que sa concrétisation est à la peine. Elle peut même se révéler dangereuse pour la cohésion nationale et le rassemblement politique dont nous avons besoin pour faire face à la crise. Car à la coexistence pas toujours pacifique des partisans de la liberté et de ceux de la protection, risque de succéder la guerre de deux clans : celui de l’ouverture versus celui du repli, celui des libéraux versus celui des protectionnistes, ceux qui se sentent de « partout » versus ceux qui se sentent de « quelque part » pour reprendre l’expression de David Goodhart.


Pour cela, il nous faut mettre fin à une incompréhension à la base du « en même temps » : nous avons confondu opposition et paradoxe. Gauche vs droite, écologie vs économie, liberté vs sécurité, état vs territoires, urbains vs ruraux, urgence de court terme vs vision de long terme, ces réalités ne sont pas seulement opposées elles sont aussi interdépendantes : c’est l’essence même du paradoxe, vous ne pouvez pas choisir l’une ou l’autre sans altérer le destin qu’ils produisent en commun. En somme, on ne choisit pas entre ces deux parents sinon on renonce à sa famille !


On ne résout pas un paradoxe en choisissant, c’est là l’intuition remarquable du Président de la République, mais on ne le résout pas non plus en ne choisissant pas et c’est ce que la majorité a fait jusqu’ici. La solution consiste en réalité à inventer une nouvelle relation qui intègre les opposés, mais les met l’un au service de l’autre plutôt que l’un juxtaposé et in fine contre l’autre. Libérer pour protéger, protéger pour libérer, le POUR en lieu et place et du ET.


En bonne libérale, que l’on me pardonne de ne plaider ici, que pour le Libérer pour protéger, démontrant aux tenants du protéger, la bonne volonté et l’utilité des libéraux !


Libérer pour protéger : l’injonction peut sembler contre-intuitive elle n’est pas pour autant illogique pour peu que nous analysions ce fameux besoin de protection des Français. Ce que veulent les Français c’est retrouver la maitrise de leur destin individuel, savoir que quoiqu’il arrive, que ce soit une crise à l’échelle du monde comme celle que nous vivons ou une crise à échelle d’homme et de femme comme une rupture professionnelle ou personnelle, ils auront toujours suffisamment de ressources pour faire face dignement, qu’ils pourront toujours continuer de regarder devant et entreprendre leur vie avec espoir, former un vœu d’avenir pour leurs enfants. Ce que veulent les Français, c’est recouvrer une « souveraineté de soi » pour reprendre le mot de Vincent Delhomme. Elle n’appelle pas forcément une plus grande souveraineté voire protection nationale pour ne pas dire nationaliste comme d’aucuns voudraient leur faire croire. Au contraire : ce désir de maitrise n’est ni plus ni moins qu’un désir de liberté, plus précisément d’un désir d’émancipation du risque de pauvreté ou de maladie. Et la réponse ici ce n’est pas plus d’Etat, mais un nouveau rôle de l’Etat, qui met les citoyens en capacité de faire et d’activer des ressources, plutôt qu’un Etat qui leur dit quoi faire voire fait à leur place. Car, et c’est un autre paradoxe, on ne réussit dans une société du risque qu’en continuant à prendre des risques, mais pour cela il faut « armer les citoyens » pour le dire sur un air de Marseillaise, et c’est là, sans doute, le plus juste et noble rôle de l’Etat dans une démocratie qui se veut encore vivante et libérale.

Libérer pour protéger, c’est par exemple ce qui guide la proposition de socle citoyen (Ndla : une version inédite et réaliste du revenu universel) que je porte avec plus de cinquante parlementaires : libérer de la pauvreté ou de la peur de la pauvreté, pour donner à chacun de quoi s’armer et se protéger pour faire face en cas de crise et continuer à entreprendre sa vie. C’est là un exemple parmi d’autres : si nous envisagions comment la liberté peut protéger et inversement, alors, non seulement nous relirions nos politiques publiques avec un œil nouveau mais nous couperions l’herbe sous le pied à ceux qui font commerce des oppositions et des haines.


Voilà pourquoi il est urgent de revoir le en même temps et de faire de notre méthode politique non pas l’assemblage des oppositions traditionnelles d’hier mais la gestion inventive des paradoxes qui produiront le monde de demain.




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