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Mettons nos députés aux 35 heures TRIBUNE.

  • Photo du rédacteur: Valerie Petit
    Valerie Petit
  • 8 juil.
  • 5 min de lecture

Notre démocratie est malade de l’hyperactivisme et de l’hyperprésentéisme de ses représentants. Mettons les parlementaires au repos forcé ! Tribune dans Le Point de Valérie Petit & Sacha Benhamou, 13/12/2024


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Et si on réduisait le temps de travail des parlementaires ? La proposition peut sembler un peu à contre-courant du climat de dégagisme actuel qui voudrait faire de nos élus des rentiers oisifs de la politique, alors même qu'ils sont en France plutôt mal indemnisés si nous nous comparons à nos voisins européens : moitié moins qu'un parlementaire allemand, par exemple. Pourtant, notre démocratie est malade de l'hyperactivisme et de l'hyperprésentéisme de nos représentants. Alors, mettons-les au repos forcé !

D'abord, nos parlementaires travaillent trop et dans un univers ultracompétitif qui les pousse à travailler toujours plus. Ils travaillent d'autant plus qu'un bon parlementaire, et particulièrement les députés, doit avoir le don d'ubiquité. En effet, contre un député qui passe du temps en circonscription on brandit les chiffres de son absentéisme et de ses rares interventions en hémicycle ; contre le député donnant trop de temps aux arcanes parisiens du pouvoir, on le dira « absent » et « déconnecté du terrain » dans sa circonscription.


Burn-out, dépression…

Quand il est chez lui en circonscription, il est sommé de sacrifier ses week-ends et le peu de vie de famille qu'il lui reste pour assister aux événements locaux; quand il est à Paris, il doit répondre aux besoins de la frénésie normative de l'exécutif et siéger jusqu'à des heures indues en hémicycle. Le calendrier parlementaire s'adapte aux besoins législatifs, si bien qu'en période budgétaire un député peut siéger jusqu'à 16 heures par jour, soit 96 heures en une semaine pour les examens de texte les plus difficiles.

Stress, troubles du sommeil, troubles de l'addiction mais aussi agressivité, burn-out jusqu'à la dépression sont le lot commun de nos représentants. Dans le monde « réel » du travail, celui qui est soumis au Code du travail, il existe un terme pour désigner l'ensemble de ces atteintes à la santé physique et mentale dues à des conditions et des relations de travail intenables : les risques psychosociaux. Ce sont eux qui sont à l'origine de l'engorgement des cabinets des médecins et des psys du travail, eux qui se cachent derrière une grande partie des absences, du manque de productivité et des départs des actifs, du privé comme du public.

Discernement altéré

Comment attendre d'un élu travaillant de 8 heures à minuit dans le meilleur des cas (mais parfois jusqu'à 4 heures du matin) et privé de toute vie familiale et sociale en dehors de la politique qu'il ait les pieds sur terre ? Comment attendre de lui, dans ses conditions, qu'il assume ses responsabilités dans les meilleures conditions psychiques ?

Les connaisseurs du jeu parlementaire diront qu'on ne compte guère plus de 15 parlementaires au milieu de la nuit, souvent les mêmes. Ce qui revient à dire que le destin du pays repose sur une poignée d'élus malmenés, dont le discernement est altéré par des conditions de travail intenables, et ce, d'autant plus que leur mandat est un contrat précaire et soumis au jeu et aux bons couloirs des partis. Une précarité de l'emploi qui ajoute au stress, une précarité que le professeur Michel Gollac, l'auteur du rapport de référence en France qui a établi les critères de risques psychosociaux qu'utilisent désormais les médecins du travail, considère comme l'un des six facteurs majeurs de risque.


Alors, certes, les parlementaires restent plutôt bien payés pour ce travail, il ne s'agit pas de les plaindre, mais ils sont surtout trop productifs. Ces horaires extensibles en hémicycle ne permettent pas de réguler le flux normatif émanant de l'administration. Certes, les parlementaires ne sont pas en reste dans l'inflation normative, il faut même reconnaître que les derniers gouvernements ont fait preuve de sobriété dans les projets de loi qu'ils déposaient, et ce sont les parlementaires qui les ont fait doubler, voire tripler de volume. Mais c'est la prééminence de l'exécutif qui pousse d'autant plus les parlementaires à se distinguer, dans le sens du gouvernement ou contre celui-ci.


Supprimer des séances

Devant la faible probabilité que le système s'autodiscipline pour renoncer à cette frénésie normative et communicationnelle, nous pourrions proposer une première réforme simple : supprimer la séance de nuit et arrêter celle de l'après-midi à 18 heures. Et, comme il est suggéré dans la note de GenerationLibre « 577 contr'un : revaloriser le rôle du député », une semaine sur deux pourrait être consacrée à la circonscription.

Limiter ainsi le temps de la séance d’examen aurait beaucoup d’avantages, dont celui de faire baisser les tensions dans l’hémicycle.

Limiter ainsi le temps de la séance d'examen aurait beaucoup d'avantages : redonner du sommeil et du temps pour eux aux parlementaires, du temps en famille pour ceux qui peuvent rentrer le soir chez eux, faire baisser les tensions dans l'hémicycle qui donnent une image déplorable de la politique, limiter le nombre de normes pouvant être adoptées dans une année et forcer le gouvernement à aller à l'essentiel, et les parlementaires à s'autodiscipliner dans le dépôt d'amendements. Les séances devenues plus rares, il n'y aurait plus de justification à leur absence en hémicycle et l'autorité de la loi en serait ainsi.

On peut également imaginer qu'un temps législatif ainsi ralenti encouragerait des débats plus réfléchis et que la guérilla parlementaire laisserait place à plus de compromis pour ne pas immobiliser le pays. Cette culture du compromis pourrait être d'autant plus encouragée qu'on donnerait la maîtrise de l'essentiel de leur ordre du jour aux parlementaires, ce qui forcerait le gouvernement à trouver un terrain de compromis avec les forces en présence en amont du dépôt du texte pour espérer une inscription du texte à l'ordre du jour.


Pour un alignement sur le droit du travail

Plus généralement, il s'agirait d'opérer une petite révolution en alignant les conditions et droits des députés sur ceux de l'ensemble des actifs français. Aujourd'hui, les députés ne disposent d'aucun droit ou presque : médecine du travail, temps de travail, congé maternité, syndicats, formation, justice professionnelle et, bien sûr, aucune politique de prévention des risques psychosociaux alors que les révélations se succèdent sur les addictions, les violences et les burn-out des parlementaires. Il est temps que le règlement de l'Assemblée évolue pour encadrer les conditions de travail et que la présidence elle-même agisse sur ces enjeux de santé au travail.

Cet alignement aurait un double bénéfice démocratique. D'abord, il garantirait la bonne santé au travail des parlementaires, gage d'un plus grand discernement et d'une moindre agressivité dans les débats. Ensuite, il enverrait un message fort de connexion avec les citoyens et de normalisation de la vie politique : l'occasion d'en finir avec le sentiment d'exceptionnalité, du côté des élus comme de celui des citoyens, qui justifie tous les excès politiques. Alors, pour sauver notre débat démocratique, pour en finir avec cette pratique héroïque et pathologique du pouvoir, pour préserver la santé mentale de nos parlementaires et, avec elle, la santé de notre démocratie, mettons les parlementaires aux 35 heures !





 
 
 

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