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Ventre creux et rage au ventre (introduction)

Dernière mise à jour : 5 juil. 2022

« Aucune société ne peut prospérer et être heureuse, dans laquelle la plus grande partie des membres est pauvre et misérable. »

Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776.


Victor Hugo, Les Misérables, 1862.


Introduction de "En Finir Avec la Pauvreté : pour un filet de sécurité universel"





Lors des nombreux débats sur le revenu universel auxquels j’ai participé ces dernières années, il m’est parfois arrivé de demander à mes interlocuteurs, si au moins une fois dans leur vie ils avaient connu la faim. J’ai eu faim parfois, quand les livres qu’il me fallait acheter pour mes études coutaient le prix de plusieurs repas et qu’il fallait choisir. Mais j’aime à croire qu’il ne faut pas faire soi-même l’expérience de la pauvreté pour comprendre que personne ne choisit volontairement d’être pauvre et que la pauvreté n’est pas une « paresse » ou pire une « catégorie ». « Les pauvres », comme je l’entends trop souvent n’existent pas, il n’y a que des personnes, toutes libres et égales en droits pour reprendre l’article premier de la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen. Toutes également dignes. Des personnes que les malheurs et les mauvais hasards de la vie ont fait naitre ou basculer dans la pauvreté pour un temps plus ou moins long et douloureux. La pauvreté vous prend votre santé, votre dignité, votre liberté, votre famille, votre avenir et l’espoir même d’une vie vécue. Voilà pourquoi, lorsqu’en pleine crise sanitaire, j’ai vu la détresse de milliers d’étudiants faisant la queue devant les banques alimentaires, je me suis revue à 18 ans, avec ma colère et mon ventre creux, à travailler comme une acharnée pour gagner ma liberté, à faire comme si tout allait bien pour ne pas être stigmatisée, à me priver de toutes les petites choses qui forgent la nostalgie de la jeunesse que je n’ai jamais éprouvée.

Vingt-cinq ans plus tard, je ne pouvais pas rester ainsi, sans rien faire, sans rien proposer. Je ne connais aucune véritable aventure politique, qui ne soit pas aussi une aventure personnelle et parfois même existentielle. Le combat que je porte en faveur du socle citoyen, ce filet de sécurité universel contre la pauvreté, est de ceux-là. Il est un combat pour l’émancipation individuelle, un combat contre la fatalité et les assignations. Il est aussi un combat pour réformer notre pays dont le système socio-fiscal est devenu à force de complexité à la fois injuste et couteux. Il est enfin et surtout un combat pour la liberté : parce que l’on n’est jamais libre quand on a le ventre creux et la rage au ventre. Jamais.

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