top of page

Face à l'hubris de l'Etat, la liberté est devenue une urgence sanitaire

Dernière mise à jour : 5 juil. 2022


Tribune parue dans le Huffington Post le 12 janvier 2021 #Liberté #Etat #Covid #Decentralisation #Liberalisme

« Monsieur le Premier ministre, la liberté a été oubliée de la liste des principes Républicains ». Trois jours avant le dépôt du projet de loi dit « séparatismes », lors d’un échange entre Jean Castex et les députés du groupe Agir Ensemble, le texte qui nous a été transmis omet de mentionner le premier d’entre eux. Je le fais remarquer au premier ministre, qui écoute et entend : c’est sa qualité. Le texte final mentionnera la liberté en première position. Un tel oubli, signe de temps ou insoutenable légèreté ? Quelques jours plus tard, nouvelle alerte, avec le projet de loi visant à « pérenniser (le mot est terrible) les mesures d’urgences sanitaires ».


Mais sur quelle pente glisse donc le pays de l’article 1 de la Déclaration des Droits de l’Homme, de la devise républicaine et de la Liberté guidant le Peuple ? Faudra-t-il bientôt ajouter au tableau clinique des démocraties frappées par la pandémie, la perte du goût de la liberté ? Il y a urgence pour la santé de notre démocratie et notre société libérales.

La pandémie révèle une autre maladie : l’hubris de l’Etat. Où sont passées nos libertés, celles qu’on regarde tomber ? La piste n’est pas difficile à remonter, c’est celle de l’hubris de l’Etat. « La liberté n'est là que lorsqu'il n'y a pas d'abus de pouvoir », disait Montesquieu. Sous la pression légitime des vies à sauver, l’Etat, encouragé par les « experts », a perdu le sens de la mesure, succombant à l’hubris, cette maladie du pouvoir, qui pousse à en abuser et nous expose à la Némésis, la justice destructrice. Il administre désormais notre quotidien jusque dans ses recoins les plus intimes, du repas de famille (pas plus de six) à la chambre à coucher (pas plus de deux) et nous engage assurément sur ce que Hayek appelait « la route de la servitude ».


Le premier symptôme de cet hubris est une bureaucratie prise de folie administrative. Avec la pandémie, le gout de l’administration pour l’autoproduction, l’auto-préservation et la démultiplication d’elle-même a atteint son apogée. « Une personne qui soigne pour dix qui la regardent faire …et lui demandent de remplir un tableau Excel » : il faut ne pas chercher ailleurs nos « problèmes de logistique ». Les ARS sont un exemple parmi d’autres d’une bureaucratie véritable recette de la paralysie : incapable de faire le dernier km pour livrer masque, test ou vaccin au citoyen, tout en le privant de la possibilité de le faire librement et en responsabilité. A l’inefficacité opérationnelle, il faut ajouter la charge mentale inouïe (que j’ai récemment proposé qu’on reconnaissance comme une souffrance) infligée par l’administration aux Français et qui n’est pas loin de susciter un burn out national : aux moyens d’attestations, de cases à cocher et de critères d’éligibilité, l’Etat forge les barreaux de notre « cage d’acier », nous privant de nos libertés mais aussi du sens et de la responsabilité de nos propres vies.

Le second symptôme est une démocratie exécutive ivre de centralisation. Appuyée sur le couple fusionnel gouvernement/préfet, la gestion de la crise a ouvert la boite de pandore de la centralisation : confinement, gestion des masques, des tests, des vaccins, nous commençons à peine à comprendre que la réponse à la crise passe par une gestion décentralisée et la confiance dans les pouvoirs et acteurs locaux. Mais si les élus locaux sont « repéchés », il n’est pas certain que ce soit le cas du Parlement. Depuis le début de la crise, celui-ci réalise la prophétie de Hayek à propos du planisme socialiste : le parlement n’est plus le lieu où l’on débat de l’orientation et de l’évaluation des choix politiques mais de la couleur des soudures sur la tuyauterie des plans successifs voulus par l’exécutif. Privée de débats contradictoires sur la fin et le sens de l’action politique et focalisée sur le détail des moyens, la vie démocratique ne peut qu’être irrémédiablement affaiblie. Ajoutons à ce tableau une dépense publique hors de contrôle : le "quoiqu'il en coûte" ne peut être un open bar de la dépense publique, ne serait-ce par respect des générations futures.

Passer du Libérer ou protéger au libérer pour protéger. Soyons clair, ce n’est pas le gouvernement qui pose problème, le mal est plus ancien et profond. En revanche, c’est bien l’exécutif qui a la responsabilité de reprendre le contrôle de la machine devenue folle. Pourquoi distinguer, pour les opposer, le libérer et le protéger ? En réalité, il faut libérer pour protéger : car c’est aussi en leur donnant de la liberté, de l’autonomie et de la responsabilité que l’on permet aux Français de faire face. Que l’Etat-maman s’imagine en capacité de protéger 67 millions « d’enfants » une folie à la fois irréalisable et dangereuse. Son fantasme de puissance prive les citoyens du pouvoir d’agir en responsabilité. Or il faut que chacun ait la capacité de faire pour sortir de la crise.

Il est devenu urgent que les libéraux de ce pays, ceux qui aiment les libertés, toutes les libertés, se réveillent, en particulier ceux de la majorité présidentielle. Car pris entre l’anathème, récurrente et stupide, jeté sur le libéralisme et les accusations d’illibéralisme, le Président de la République, qui pourtant incarne le mieux, après Valery Giscard d’Estaing, ce que j’appelle l’esprit libéral, a plus que jamais besoin que nous prenions nos responsabilités. D’abord, en gardant vivante sa promesse (libérale) d’émancipation portée en 2016 et ensuite, en jouant deux rôles utiles à 16 mois d’une nouvelle élection présidentielle : celui (critique) de vigie des libertés et celui (constructif) de boussole libérale.

Vigie des libertés. Les libéraux ont toujours alerté face aux excès de pouvoir qui menacent les libertés. “Sauvons la liberté, la liberté sauvera le reste ! ” disait Victor Hugo. Les parlementaires de la majorité ne doivent pas craindre de faire entendre la voix de la liberté encore moins de la défendre. Premièrement, en mettant à l’agenda la réforme de l'Etat et de l'action publique : c’est une évidence et une urgence pour les Français. Associée à une réforme des institutions, elle serait un sursaut réformateur et salvateur. Deuxièmement, pour chaque futur projet, nous, parlementaires libéraux, devons jouer notre rôle de vigie libérale, non pas pour opposer liberté et autorité, libertés et écologie, libertés et santé, ou encore libertés locales et Etat, mais faire vivre de façon constructive l’exigence du débat démocratique. Il faut refaire des libertés un axe structurant, et non un axe clivant ou pire, un angle mort(el) du débat politique.

Boussole libérale. Mais les libéraux devraient aussi s’atteler à préparer l’avenir et, en attendant un nouveau colloque Lippmann, sortir leur boussole libérale au profit de la majorité et surtout des Français. Une boussole pour indiquer les voies navigables que le gout des libertés pourrait ouvrir, pour nous permettre d’arriver à bon port sains et saufs d’ici à la fin de ce quinquennat. J’en suggère trois.

La première voie est celle de l’émancipation et les des droits au quotidien.

Nous ne devrions pas dévier du projet sur lequel la majorité présidentielle a été élue : en son cœur, l’émancipation de l’individu et la possibilité donnée à chacun de faire librement, selon son talent, son chemin dans notre société : un but profondément libéral. Et républicain.

L’émancipation passe d’abord par lever la première de ses entraves : la pauvreté et le manque de formation. Pour cela, il nous faut « armer » les Français avec des droits individuels effectifs afin qu’ils puissent entreprendre leur vie. Il faut continuer de : renforcer la scolarisation des plus jeunes, la liberté pédagogique des enseignants, réaliser la gratuité réelle des études, faire plus de place au monde professionnel au sein de l’enseignement supérieur. Il faut universaliser le droit à la formation en créant un statut unique de l’actif et un compte activité universel pour équiper chaque Français face aux crises et aux mutations du travail qui viennent. Enfin, il faut de "nouveaux droits qui libèrent" comme le droit à un revenu universel, véritable socle citoyen, qui émanciperait chacun de la pauvreté, lui permettant d’entreprendre dignement et librement sa vie.

L’émancipation passe ensuite par la lutte contre les discriminations, toutes les discriminations (24 au total) telles que définies par les lois de la République. Le Président de la République a annoncé le lancement d’une plateforme : allons beaucoup plus loin. Cette lutte doit se faire notamment en entreprises où l’homogénéité de la composition des instances dirigeantes laisse entrevoir l’immense chemin à parcourir. Pour y arriver, il est temps, de faire sauter le tabou des statistiques ethniques et plus généralement sur les critères de discriminations. Dans la lutte contre les discriminations. Face à la haine en ligne et la désinformation, avec la loi Séparatisme, les libéraux attachés à ce que le droit et les libertés s’exercent effectivement devront faire entendre leur voix / voie.

Il faut aussi une politique publique d’accès à la justice de grande ampleur : la lutte contre le non-recours et le non-accès aux droits via une simplification administrative massive et une justice de proximité renforcée doit être une priorité. Les Français ont un désir de justice que nous sous-estimons ; la justice est pourtant la meilleure des réponses à ce mal français : la jalousie sociale qui nourrit la division et la contestation dans la rue. Il nous faut également un discours sans ambiguïté contre les attaques à l’encontre de l’Etat de Droit et des lois de la République, que ce soit au nom d’une religion ou d’une conception « personnelle » desdits droits : dans une logique totalitaire, certains néo féminismes et autres wokisme, veulent nous priver de notre liberté : celle de choisir qui nous sommes, et de nous exprimer en tant qu’individus singuliers, complexes, libres et échappant à leurs catégories.

La deuxième voie est la transformation de l’économie grâce au changement climatique.

Plus que jamais, pour relancer l’économie, nous devons rester fidèles à notre projet de « libérer les énergies » et soutenir la prise de risque et la créativité individuelles. Au printemps prochain, la loi climat nous offrira l’occasion d’un débat sur le nouvel équilibre entre les droits de l’environnement et les libertés économiques : fixons le but, le cadre et les instruments de cette transition de nos économies libérales. Soyons des écologistes libéraux : débattons des communs et de la façon de mettre la propriété privée collective au service de la préservation de la biodiversité, créons de la valeur en économisant encore plus les ressources de la planète ; misons sur les marchés carbone et étendons leur critères pour soutenir la décarbonation réinventons les normes comptables et les instruments financiers de la performance pour une réorientation des investissements vers l’économies verte ; encourageons les investisseurs et les entrepreneurs responsables, non par des subventions et des aides, mais par un écosystème fiscal et réglementaire simple, stable et prévisible.

La troisième voie est celle de la réforme de l’Etat et de nos institutions.

La crise de la COVID19 doit nous permettre de nous vacciner contre l’hubris de l’Etat. Saisissons « l’opportunité de la crise » pour la mener une vraie réforme de l’Etat. Le rôle de l’Etat ne doit plus être de régenter ou de régler la vie de nos concitoyens mais de la faciliter et de la simplifier.

Il est urgent que l'Etat se recentre sur ses fonctions. Urgent aussi qu’il apprenne à rendre des comptes, à être évaluer, à intégrer les citoyens dans ses décisions quotidiennes, à laissez-faire ceux qui font le mieux et ne demandent qu’à agir.

Enfin, revitalisons notre démocratie ! Instaurons de la proportionnelle aux prochaines législatives pour ne plus priver beaucoup de Français de leur voix, soutenir le pluralisme et favoriser des coalitions de projet plutôt que les plébiscites héroïques, toujours déceptifs. Débattons du vote obligatoire, de la reconnaissance du vote blanc et de l'intégration du tirage au sort. Enfin, les libertés locales devraient être un combat premier car elles sont la démocratie du quotidien : mener une vraie décentralisation, donner de l’autonomie fiscale, soutenir la participation citoyenne. C’est dans la maîtrise de leur territoire que les Français pourront reprendre leur destin en main.

Les libéraux s’il fallait encore le démontrer, seront précieux dans les prochains mois. Espérons qu’ils trouveront le chemin pour faire entendre leur voix et redonner le gout de la liberté aux Français. Comme le disait Périclès « s’il n'est point de bonheur sans liberté, il n’est pas de liberté sans courage ».



51 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
Post: Blog2_Post
bottom of page